ABDOULAYE NDOMBASSI YERODIA : l'ultime combat
- Par lettredupool-cg
- Le jeudi, 07 mars 2019
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UN EXEMPLE.
par A. Guy Mankessy
Aux lendemains de la toute première alternance, controversée mais pacifique, au sommet du pouvoir en république démocratique du Congo, le sénateur Abdoulaye Ndombassi Yérodia a tiré sa révérence le 19 Février 2019 suite à une longue maladie. La Lettre du pool ne peut manquer de revisiter le parcours de cet homme qui restera dans l'histoire comme l'un des patriotes les plus émérites de sa génération.
On ne peut pas parler du sénateur sans faire une esquisse de la période coloniale, car pendant les guerres de libération des peuples africains sous la domination occidentale. Le continent noir a eu à compter sur ses enfants, ces héros qui se sont battus pour la souveraineté du vieux continent. Certains ont payé de leur sang sans avoir vu la lueur de cette indépendance tant voulue, d’autres par miracle ont survécu de cette lutte sans merci contre l’oppresseur. Le sénateur Abdoulaye Ndombassi Yérodia est de ceux-là.
Né le 5 Janvier 1933 au Congo d’un père sénégalais conducteur de train de la compagnie ferroviaire Congo-océan (C.F.C.O) dans les années 30 et d’une mère congolaise de la république démocratique du Congo. Il fait ses premiers pas scolaires dans la ville de Pointe-Noire au Congo Brazzaville ou il comptera de nombreux amis politiques et non politiques dont Ambroise Noumazalaye, Ndalla Graille, Aimée Mambou Gnali, Samba Dacon et Nganga Brazza j’en passe…
Il va enrichir son cursus universitaire en France plus précisément à la résidence universitaire Jean Zay à Anthony. Passionné de philosophie, sa rencontre avec le docteur Lacan va changer le cours de son destin il va jeter son dévolu sur la psychanalyse, devient son adjoint, il épouse sa fille adoptive Gloire.
Militant de l’émancipation de l’Afrique, il participe aux débats de la fédération des étudiants de l’Afrique noir francophone (FEANF) et de l’AEC (action des étudiants congolais). Conscient que l’indépendance des pays africains n’était pas effective, il participe en 1960 à la maison de la culture de Poto-poto au débat organisé par Lazare Matsocota et Joseph Van Den Reizen sur le thème « l’indépendance est un leurre ».
Rentré à Kinshasa il se rapproche du premier ministre Emery Patrice Lumumba. A son assassinat, il entre dans le maquis avec Mulélé et Laurent Désiré Kabila.
Mulélé à la sortie du maquis se retrouve à Brazzaville, au moment où le président Ngouabi venait de prendre le pouvoir. Le ministre des affaires étrangère de Mobutu, Bomboko demandera à Ngouabi de lui remettre Mulélé qui était rentré dans la force publique le même jour que Mobutu et qui finalement sera sauvagement assassiné en 1968. Plus tard en 1973 Mobutu rendra l’ascenseur à Ngouabi en lui livrant les éléments du M22 dont Diawara et Ikoko qui seront exécutés à leur tour et leurs corps seront exposés au stade de la révolution.
Des appels de fars à la traque, il résistera au Tyran à la toque de léopard qu’il considérait comme un traitre, il portera son soutien indéfectible à Laurent Désiré Kabila qui avait pris le flambeau de la résistance révolutionnaire en restant dans le maquis. Il est nommé chef de gouvernement en exil.
40 ans d’errance, quarante années de clandestinité, ou il survivra grâce à la solidarité des révolutionnaires du monde entier, mais aussi aux prêtes noms qui lui permettaient de se déplacer sans éveiller les soupçons sur sa véritable identité. Il se fera tantôt congolais, sénégalais, malien, zambien, tanzanien, un panafricanisme de fait auquel il s’accommodait bien. C’est donc avec des fausses identités qu’il va sillonner le monde à la recherche des soutiens dans les pays progressistes comme la Chine de Mao ou il se lie d’amitié avec le numéro 2 du régime Zhou Enlai, en Corée du Nord ou il alla voir Kim Il Sung sous le nom de Singama Louvila, en URSS et Cuba ou il fera entendre la voix de la révolution congolaise en gestation. Un écho qui sera entendu.
Entre 1964 et 1965 trois cubains feront le déplacement pour venir prêter main forte à la révolution congolaise dont Ché Guevara, et le combattant Drake. Il leur servira de guide et participera à l’apprentissage des techniques de combats des maquisards avec eux pendant huit mois avant de replier sous la pression des bombes des américains, qui avaient repérés la présence du Ché au Congo.
Mzéeiste de premier plan, il est aux côtés de Laurent Désiré Kabila en 1997 lorsqu’il chasse Mobutu du pouvoir avec l’aide du rwandais Kagamé et de l’ougandais Musévéni. Il est nommé directeur de cabinet du président Kabila père jusqu’en 1999 avant de prendre en charge la diplomatie de son pays à un moment ou la tension entre les voisins ougandais et rwandais était au maximum, d’où cette phrase controversée « il faut écraser les insectes Tutsi » qui lui avait valu un mandat d’arrêt international par le juge d’instruction belge Damien Vandermeersch. Il s’en défendra du fait qu’il ne visait pas le peuple Tutsi mais les invasions armées.
Mandat d’arrêt rejeté en 2002 par la cour internationale de justice. Le journal le monde du 15 Février 2002 titre :
"AFFAIRE YERODIA : LA BELGIQUE DÉBOUTÉE" et de poursuivre « la cour internationale de justice de la Haye donne raison à l’ancien ministre congolais contre la justice belge »
Ministre de l’éducation nationale sous Kabila fils entre 2000 et 2003 Il sera nommé vice-président de la république chargé de la reconstruction et développement dans un contexte de balbutiement démocratique aux côtés de trois autres vice-présidents dont : Azarias Ruberwa ( RCD) chargé de la politique intérieur défense et sécurité, Arthur Z’ahidi Ngoma (force du futur) socio-culturel, Jean Pierre Mbemba (MLC) économie et finance de 2003 à 2007.
Il est sénateur de 2007 à 2019. Révolutionnaire, combattant de la liberté, l’homme du haut de ses 86 ans d’existence livrait son ultime combat contre la maladie qui a eu raison de lui le 19 Février 2019.
C’est donc aux lendemains d’une alternance démocratique pacifique, certes controversée mais symbolique pour être la toute première passation sans violence du pouvoir, qu’il a tiré sa révérence comme s’il attendait ce moment pour porter le message à son mentor. En témoigne son discours devant la tombe de Kabila père.
" Cher frère, cher camarade je viens devant ta tombe pour t’annoncer que ce matin, celui à qui tu avais transmis notre légitimité populaire, notre fils, m’a désigné à la dignité de vice-président de la république.
Je t’annonce, s’il en était besoin que je serai toujours derrière notre fils Joseph Kabila et je veillerais à ce que la ligne et les enseignements que tu nous as légués se traduisent au-delà de la période de transition, dans des élections triomphales pour notre fils Joseph Kabila.
Mzée, vous savez que vous pouvez compter sur ma fidélité et sur ma pugnacité, quand il s’agit de la ligne que tu nous as léguée, comme des enseignements que tu nous as dispensés.
Je suis en même temps triste, parce que à jamais je suis habité par une blessure narcissique lors de ton assassinat, mais en même temps, je suis rempli d’allégresse de pouvoir à travers cette nomination, porter toujours plus haut le drapeau de Mzée, sa ligne politique et les enseignements révolutionnaires que vous nous avez légués.
Nous lutterons pour qu’un jour, nous aussi, nous méritons de venir nous reposer à côté de tes cendres.
Au revoir Mzée, Vive Mzée "
Un message profond qui exprime sa fidélité, une parole éclairée aux allures de testament politique et de dernières volontés.
Abdoulaye Ndombassi Yérodia après avoir rempli sa part de contrat reposera -t-il auprès de son mentor Mzée ?
A. Guy Mankessy
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