La "longue" Nuit du Pool
LA LONGUE « NUIT DU POOL »
Une initiative porteuse d’espoir sans doute, des lendemains de querelles plutôt salutaires.
La première édition du Gala de charité de « La Nuit du Pool », qui a eu lieu le 25 Mai 2019 de 20h à l’aube dans la salle des fêtes de la ville Française de Nanterre dans la région parisienne, défraye désormais la chronique sur les réseaux sociaux et est au centre des préoccupations partagées par bon nombre de congolais de la Diaspora. De façon générale, les participants à cet évènement, approchés par « La Lettre du Pool », laissent apparaitre un sentiment mêlé d’espoirs et de désespoirs. Qu’en penser et quelles leçons en tirer ?
Cette première édition du « Gala de La Nuit du Pool » s’avère assurément une « longue nuit » car, rarement un évènement culturel organisé à paris n’a autant soulevé de réactions passionnées. Plus de deux mois après sa tenue, les langues continuent à se délier en même temps que s’affirment les egos. Et, chaque jour qui passe s’alimente de querelles sans limites qui éloignent, de fait, le concept initial du projet mais ramènent, incidemment, au goût du jour l’adage qui rappelle que « charité bien ordonnée commence par soi-même ».
Fidèle à sa démarche d’analyse éclairée de l’information sur les terroirs et territoires du Congo (Brazzaville), La Lettre du Pool partage dans les lignes qui suivent les premières réflexions rassemblées dans son nouveau dossier « La Nuit du Pool ».
QU'EN EST-IL DES CONTOURS ET DU CADRE GENERAL D'ORGANISATION DE CET EVENEMENT ?
« Tel on fait son lit, tel on se couche » dit l’adage. Cela nous invite à rappeler quelques éléments indicatifs de l’organisation de ce désormais célèbre «Gala de charité ».
L’organisateur: l’association « La Nuit du Pool ».
Ce Gala est une initiative de l’association loi 1901 dénommée « La nuit du Pool » déclarée à la Préfecture de Val de Marne en août 2018. Celle- ci est " une plateforme qui regroupe un ensemble d’associations qui a pour objectif d’intervenir dans la région du Pool (Congo Brazzaville) afin que ses membres relèvent les défis Culturel, Économique et Socio-éducationnel au profit des enfants du Pool ". L’association entend ainsi participer à la reconstruction et au développement du Pool, cette partie du territoire national lourdement sinistrée sur tous les plans (humain, économique et social) après de nombreuses années d’embargo militaire sur fond d’un énigmatique conflit armé.
Les fondateurs de l’association sont des filles et fils ressortissants du département du Pool comptant parmi les congolais des diasporas d’Europe et pour la plupart de France.
L’objectif et la stratégie de mise en œuvre du projet de Gala « Nuit du Pool.
L’objectif du Gala tel qu’annoncé par les organisateurs, agissant dans le cadre de l’association Loi 1901, était la levée des fonds pour venir en aide aux populations sinistrées et pour accompagner la reconstruction des districts et villages fortement détruits à la suite des supposés conflits armés dans le département du Pool.
Dans cette perspective, les activités préparatoires de ce Gala se sont centrées, plusieurs mois durant, sur une large communication mettant en exergue la déclinaison festive du projet à travers notamment: une stratégie de promotion visant l’implication d’artistes musiciens de renom et des acteurs économiques des deux rives du fleuve Congo, un ciblage prioritaire des contributeurs et participants potentiels natifs du département du Pool, une mise en perspectives historique et culturelle exclusive de personnalités , de talents et de la gastronomie du département. Se fondant au départ sur cette stratégie de promotion ethno-centrée, la direction de l’association a assuré la conduite des différentes phases de réalisation du projet avec une ouverture limitée et contrôlée à de nouveaux adhérents et a engagé la mobilisation des collectes sous formes de dons, de parrainages et de billets d’entrée. Cette stratégie de promotion ethno-centrée était-elle judicieuse au regard des résultats attendus? Nous reviendrons plus loin sur ses principales implications.
Toujours est-il que mois après mois, les activités préparatoires connaissent quelques remous autant sur le management et la stratégie de promotion que sur les relations interpersonnelles. En raison du faible impact constaté au titre des contributions et de la vente des billets, des assouplissements dans la stratégie de mobilisation sont tout de même notés au cours du dernier mois de préparation, permettant ainsi d’élargir les participants cibles aux différentes communautés des Diasporas des deux Congo. Un nouvel slogan traduisait cette évolution « La Nuit du Pool, Kim’ Kia Kaka ».
En plus des difficultés promotionnelles relevées, plusieurs autres faisceaux d’indices laissaient entrevoir les mois précédents le Gala, l’existence d’une crise larvée dans l’organisation et le fonctionnement de l’association. Mais, fort de l’enthousiasme partagée par l’ensemble des membres actifs, la préparation de l’évènement a suivi son cours jusqu’au jour J fixé après plusieurs reports au 25 mai 2019.
LE JOUR J: DE BELLES RETROUVAILLES, UNE ANIMATION ET DES PRESTATIONS DE QUALITE.
Sans contexte, l’événement proprement dit a été à la hauteur et devrait faire date.
Sur le plan logistique et programmatique, la soirée a comblé de joie les participants avertis et tous les observateurs et professionnels de l’événementiel.
La salle des fêtes d’une capacité de 3000 places était remplie au trois quart. La diaspora congolaise dans sa diversité avait répondu présent avec une représentation majoritaire des ressortissants du département du Pool. La soirée, majestueusement animée par le duo Alexis Passy et Alain Serge Makaba, a été agrémentée de musique, de dégustations des plats autochtones et d’un mémorable défilé de mode.
Le groupe traditionnel des « Ngunza » avait ouvert le bal avant que l’artiste « Dicarson One » n’emboite le pas, suivi de « DJ Sergino », ce dernier s’étant particulièrement investi dès les premières heures dans la promotion du Gala. Ce sont suivies les prestations d’autres artistes de renom notamment comme Nianzi Gaulard ; le général Défao ; Stino. L’artiste Sam Mangwana aurait été aperçu mais à la surprise générale n’avait pas joué.
Un autre centre d’intérêt a été l’exposition découverte constituée de stands de produits du terroir et de stands d’entreprises des « enfants» du département à l’instar des éditions « ICS » ; de « Ntsimou-Management»; de « Malaki ma Kongo » et évidement de «La lettre du Pool ».
Par ailleurs, une initiative vécue comme réellement porteuse d’espoir.
Sans autre forme de procès, il est indéniable que « la nuit » a été belle dans sa conception scénique qui liait à merveilles l’utile et l’agréable. L’ambiance chaleureuse qui y a présidée a conforté en chacun des participants la foi en l’émergence d’une dynamique positive en faveur du département. Tout semblait donc réuni pour voir naître dans la tête de nombreux participants le sentiment de grande fierté et de victoire sur la nostalgie et sur la peur d’une perte programmée d’un héritage ancestral.
Le Pool, ce lopin de terre à la taille du Rwanda, repeuplait à l’occasion l’imaginaire de ses enfants éparpillés dans le monde et qui, jusqu’alors, se laissait aller, désespérés de l’avenir. L’énergie partagée par cette nuit apparaissait comme le ferment d’une prise de conscience et d’un engagement solidaire en faveur des mères, pères, sœurs et frères, nièces et neveux en souffrance.
C’était donc un leitmotiv sans précédent. Et, ce n’est pas surprenant que tout au long de la soirée les participants devisaient avec entrain, partageant la promesse de se mobiliser davantage pour sortir la région du chaos. Pour la plupart, le moment était venu de s’inspirer des diasporas maliennes et «Bamilékés» du Cameroun pour réaliser de nouvelles initiatives indépendantes. Et de l’avis de tous, cet appel à un engagement citoyen solidaire devait nécessairement supplanter les mesquineries des hommes politiques dont les programmes opportunistes n’ont jamais servi la cause des populations.
DES LENDEMAINS COUSUS DE QUERELLES POUR UNE NUIT DEVENUE TRES LONGUE.
Comme déjà effleuré plus haut, la réussite dans l’animation et le déroulement de la soirée le jour-J n’avait pas effacé les querelles d’organisation et de fonctionnement au sein de l’association « La Nuit du Pool ».
Les lendemains qui déchantent sur fond de soupçons de prévarication.
Bien plus que les incompréhensions, disputes et autres inimitiés qui se sont installées entre différents membres tout au long de la préparation du Gala, qui du reste ne sont pas négligeables, des problèmes de comptabilité ex poste ont vite surgit avant, pendant et en fin de manifestation aux premières heures de la journée du 26 mai 2019. De toute évidence, la réalisation d’un évènement de cette dimension ne pouvait se passer d’une gestion financière et comptable orthodoxe et transparente. « La Nuit du Pool » a t’elle fait fi de ce principe ?
En tout cas, il est vite apparu que les lendemains de la soirée de Gala laissent place à une violente guerre de tranchée à travers les réseaux sociaux. Le manque de communication et d’images sur cette soirée ont laissé place à des polémiques aigües surtout entre le directoire de l’association et ses adhérents. Les membres reprochent à la direction une gestion opaque faute de communication sur le bilan de cette belle aventure qui a suscité tant d’espoir.
L’opacité alléguée dans la gestion des recettes et des dépenses de l’évènement ainsi que l’écart apparent avec les prévisions ex ante ont déclenché une profonde tourmente tant au sein de ladite association que dans l’ensemble de la communauté congolaise. Comme devenu habituel en milieu congolais, des audios, des vidéos et autres supports ont envahi les messageries et les comptes des congolais du monde. Ainsi, les querelles longtemps cantonnées en interne ont été livrées sur la place publique pour être ensuite largement repris en chœurs bien au-delà des seuls ressortissants du Pool.
Ces querelles annoncent-elles la fin de ce rêve prometteur partagé par les enfants du Pool ?
On serait tenté de répondre à l’affirmative au regard des épisodes rocambolesques vécus depuis plus de deux mois. Mais non, ce serait faire le lit des pessimistes et éternels pourfendeurs des ressortissants de ce département qui pourtant n’ont cessé de prouver leur capacité à surmonter les épreuves même les plus redoutables.
Les enfants du Pool savent rebondir en dépit des turpitudes internes. C’est aussi ce que montrent les dernières évolutions au mois de juillet dernier de l’affaire de « La Nuit du Pool » avec les initiatives prises pour établir la vérité dans la gestion. Il est plus que probable que l’association « La Nuit du Pool » survive, après restructuration, de ce cauchemar dans lequel sa gouvernance ambigüe a fini par la plonger.
Tel se révèle la force insoupçonnée des valeurs culturelles intrinsèques aux enfants du Pool.
QUELLES LEÇONS TIRER DE CETTE EXPERIENCE NOVATRICE MAIS TERNIE PAR DES QUERELLES SANS FIN ?
Cette épopée de « La Nuit du Pool » ne peut manquer de nourrir comme d’habitude, des stéréotypes sur le département et ses ressortissants. Cependant, cette expérience malgré ses imperfections est, encore une fois, une richesse et une véritable leçon sur le sens des valeurs éthiques dominantes chez les ressortissants du département.
Retrouvons à titre d'illustration quelques traits de l’expression de ces valeurs partagées:
- L’exigence de vérité et le refus de considérer le département du Pool comme un fonds de commerce.
L’une des leçons que suggère l’affaire de « La Nuit du Pool » est le rejet par les ressortissants du Pool, ici les membres de l’association, de toute usurpation ou attitude laissant penser que le département du Pool peut servir de fonds de commerce pour certains en toute impunité.
Les filles et fils du Pool n’acceptent plus d’être abusés comme cela s’est vu dans le conflit armé que le département a subi toutes ces longues années ou encore, comme bien avant, dans les initiatives d’engagement populaire, à l’exemple de l’escroquerie avérée du projet de la « Banque du Pool » qui avait fait cotiser les pauvres mamans, sans que le projet ait vu le jour ni les escrocs ne soient inquiétés. C'est pourquoi, les zones d'ombres apparues le lendemain du Gala de charité de la « Nuit du Pool » ont suscité la crainte d’un abus de confiance.
A l’ordre du jour du conflit d’aujourd’hui, l’exigence d’une transparence sur les gains engendrés par cet événement. Les faits allégués seraient-ils vérifiés ? Wait and see. En tout cas, plus rien ne sera comme avant. Forcément, il y’a désormais un avant et un après « La Nuit du Pool ».
- La réaffirmation unanime du respect dû aux femmes en tant que valeur fondatrice du kimuntu.
Dès l’extériorisation de cette crise, les protagonistes sont tombés dans des échanges de bas niveau frisant le ridicule. Les mots ont volé bas et le comble a été atteint lorsque des injures vexantes ont été prononcées à l’endroit des femmes, membres de l’association. Fallait-il répondre aux femmes par des injures ? Ces propos ont choqué plus d’un et l’auteur a été par ricochet vilipendé publiquement par tous ceux qui ont été à l’écoute.
Voilà donc une séquence mémorable qui honore les enfants du Pool qui réaffirment ainsi leur attachement au respect de la femme fort de la place qu’elle occupe dans l’éducation de l’homme du Pool. C’est une leçon pour tout le Congo tirée des valeurs du « Kimuntu », lequel inspire le respect et la valorisation du rôle et de la place de la femme en tout temps et en tout lieu.
- La culture de l’exigence de transparence et de bonne gestion des deniers public ou communautaire. Un exemple à suivre.
Le déballage public de la gestion de ce Gala est loin d’être une mauvaise chose. C’est bien la preuve de la survivance d’une culture ancienne, transmise de génération à génération, à savoir l’exigence de transparence et de bonne gestion des deniers public ou communautaire. C’est là aussi un état d’esprit que l’on ne trouve nul part ailleurs dans notre pays. Car, au Pool, le chef a des comptes à rendre à son peuple.
Bien entendu, cette exigence ne veut pas dire négation de la présomption d’innocence. Se justifier est quasiment un devoir lorsqu’on assume une mission qui engage les autres. Bien souvent, le « mbongui » qui traite un problème se tient à charge et décharge, et lorsque la vérité est établie les choses rentrent dans l’ordre sans discrimination (recevoir le « pemba » ou non). Ce qui peut aider à comprendre d’ailleurs pourquoi dans le passé les deux premiers présidents originaires de ce département ont été déposés sans remous ni réaction particulière de leurs militants ou de leur base pourtant du même département en majorité.
Ainsi va le Pool qui pour les mêmes raisons est souvent mal-aimé. Il faut l’admettre que cette réalité est et reste chose impossible dans les autres départements du pays où les ressortissants soutiennent mordicus leur leader quel qu’en soit le prix et même quand les dérives dans la gestion peuvent entrainer tout un pays dans un marasme économique et social sans précédent. Cette leçon ne devrait -elle pas inspirer les congolais à l’échelle de la nation.
EN FIN DE COMPTE, LE POOL PEUT-IL SORTIR GAGNANT DE SA LONGUE « NUIT DU POOL » ?
Les réflexions précédentes indiquent bien que loin d’être un frein, les querelles qui marquent les lendemains de « La Nuit du Pool » sont finalement salutaires.
Entre autres leçons à tirer, celle de l’utilisation ou de l’affectation judicieuse des dons et collectes mérite une attention particulière.
Nombreux sont ceux qui déplorent avec raison que les sommes importantes mobilisées, à l’occasion, aient été englouties et consommées à Paris de façon dispendieuse contrairement à l’objectif visé au départ. Chose difficilement acceptable pour les contributeurs surtout quand on sait que le sacrifice financier est consenti au nom de la solidarité. Une proposition utile serait de limiter à l’avenir les frais d’organisation à 20% du total des fonds collectés.
De même, l’utilisation judicieuse au pays des moyens financiers collectés rend nécessaire la prise en compte tout au moins des critères d’efficacité notamment : une identification préalable des bénéficiaires et une juste évaluation des projets à soutenir, l’adoption d’un calendrier de mise en œuvre et de suivi de l’exécution. Ce serait sur la base de ces éléments de cadrage que se fixeraient de façon mesurable les objectifs de collectes.
Par ailleurs, une ouverture totale de « La Nuit du Pool » à l’ensemble de la communauté congolaise et pourquoi pas aux amis du Congo serait une évolution positive. Isoler le Pool est contre productif, comme l’est encore plus le fait de le restreindre aux seuls districts des axes «centre, sud et sud-est» du département. C’est avec raison que certains détracteurs relèvent qu’en plus des «Kongo-Lari», leet département du Pool comprend aussi en son sein des « Tékés » et peut-être même d’autres minorités non originaires mais devenus résidents de longue date, signalons pour la mémoire que nombreux étaient les compagnons politiques de l'Abbé Fulbert YOULOU qui venaient d'autres régions mais s'y sont définitivement installés de père en fils.
Enfin, les tarifs, prix et la date de tenue ont été des limites à corriger. Des évolutions significatives sont attendues par exemple: la participation volontaire (collecte) ne devrait pas être limitée et commencer à partir de 1 euro pour les paiements en ligne, et le prix d'entrée au Gala devrait être plafonné à 20 euros. La date du 25 mai était quasi inadaptée à la réalité des possibilités financières des congolais de Paris car c'est la période du mois la plus tendue. La date de tenue de la manifestation devrait se situer à une période favorable (salaire, CAF...) et pourquoi pas en été ?
Le département du Pool peut sortir gagnant de sa longue « Nuit du Pool », pourvu que ses ressortissants qui ne manquent pas d’imagination demeurent unis, intègres et rigoureux dans la gestion du bien commun. Dans cet esprit, il faut espérer que l’expérience de « la nuit du Pool » se renouvelle après correction des défauts de la première édition. A défaut, qu’une initiative similaire mieux encadrée soit portée par d’autres fils afin que la flamme du dynamisme « du Pool qui gagne » soit entretenue.
A tout parier, il n’est pas exagéré de pronostiquer que le Pool retrouvera, grâce à la bravoure et à l’engagement de ses enfants, son rôle et sa place de « locomotive du Congo », dans l’unité de ses fils et des valeurs qui ont et font encore son honneur.
La rédaction.
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